Les Pinel des Antilles.
Voguons aux vents des Isles.
Texte et illustrations de Michel Vieuille, descendant direct.
Famille considérable par sa prolificité et par sa notoriété. Si notre filiation jusqu’à la souche ne pose guère problème, il n’en est pas de même avec nombre de collatéraux Pinel dont le degré précis de parenté n’est pas établi.
Les Pinel sont l’illustration d’un pan de deux siècles de l’histoire de France puisqu’on part de la Provence d’où un petit noble va tenter sa chance aux Isles, lui-même et sa descendance vont se frayer une vie aux Antilles, ponctuée de travail acharné, de batailles, de défaites, de victoires, d’exploits en tous genres, au rythme des rivalités maritimes sans merci entre la France et l’Angleterre.
C’est avec Guillaume Pinel de la Salle dit « le Provençal », né probablement en 1617 à La Ciotat, que la grande aventure commence.
Guillaume descend d’une lignée dont le plus ancien aïeul connu est Jean Pinel de la Salle et de la Roque né à la moitié du XVème siècle, issu selon le document de référence*,d’une famille noble et ancienne de Guyenne.
François, capitaine de 300 hommes de pied, guerroie durant les années 1540 à 1562 au service de différents seigneurs et finit probablement ses jours dans la région bordelaise.
Guillaume dit Le Provençal arrive donc aux Isles à l’âge de 13 ans, il s’établira à St Christophe (aujourd’hui St Kitts, état indépendant) puis à la Martinique en 1660. En 1671, il y possède des terres, des sucreries, un moulin à bœufs à Basse-Pointe. Les Pinel deviennent des créoles. Plus tard Jean-Baptiste, notre ascendant, colonel de milice au quartier du Carbet à St Christophe, sera tué par un boulet anglais en 1690 lorsque ces derniers assiègent l’île.
Ses titres de noblesse brûlent pendant le siège et ses descendants feront revalider cette noblesse en 1770.
Son fils Guillaume Pinel de la Salle, né probablement en 1679, colonel, chevalier de l’ordre de St Louis, établi à la Guadeloupe, arme ses esclaves et organise avec âpreté, à l’âge de 80 ans, la défense de ses terres lors du siège de cette île par les Anglais. Les Anglais confisquent ses biens, restitués aux descendants après le Traité de Versailles de 1783. L’occupation anglaise dura de 1759 à 1763.
En 1739, un cousin vieux garçon, Jean-Baptiste Pinel de la Palun, tue un certain Sieur Chevalier, Conseiller du Roy, pour une raison qui nous est inconnue. Cette affaire semble vite classée et ne porte pas ombrage à la vaste et influante famille Pinel.
En 1766, un ouragan détruit les derniers papiers de famille.
Philippe-Parfait Pinel Dumanoir siège au Conseil Supérieur de la Martinique. Il est confirmé dans sa noblesse, ainsi que ses frères en 1773, par édit du roi Louis XV.
A cette époque déjà le nom de Pinel est flanqué d’un complément de lieu pour différencier les Pinel des différentes branches. Guillaume est dénommé Pinel de Saint-Martin, Michel garde Pinel de la Salle, Jean-Baptiste-Adrien est un Pinel de la Palun.
Philippe-Parfait Pinel Dumanoir, capitaine de cavalerie, établit trois manufactures à sucre et une à café. En 1752 il épouse Reine Giraud d’Orzol. Il est l’ami de Robert Tascher de la Pagerie, oncle de la future Impératrice Joséphine. Ce détail n’est pas anodin, il indique par quelle voie des objets aux armes impériales se trouvaient dans les biens hérités par de lointains descendants.
Guillaume Philippe Parfait (1761-1832) son fils, notre ascendant, s’est-il pendant la Révolution, réfugié à la Martinique, son île natale – sous occupation anglaise du 23 mars 1794 jusqu’à 1802 – et donc demeurée sous l’Ancien Régime ? Toujours est-il qu’en 1793, en Guadeloupe républicaine à ce moment, sous l’impulsion du Commissaire Victor Hugues, Montagnard fanatique venu de Paris, on massacre joyeusement, on guillotine allègrement aristocrates et planteurs. Guillaume, ressortissant de la commune de Capesterre, est déclaré planteur émigré. Il est donc suspect au titre de personne prévenue de délit contre-révolutionnaire. Ses biens, comme ceux des autres suspects en 1794, sont administrés sous séquestre …pour le compte de Victor Hugues !
Le fils de Guillaume Pinel, notre ascendant Philippe François Pinel Dumanoir (1806-1865) naît à Capesterre en Guadeloupe et débarque en métropole en 1816, étudie au Collège Bourbon, commence des études de droit et bifurque vers le théâtre.
Pinel Dumanoir va écrire, seul ou parfois en association, 194 pièces du type bleuette de vaudeville, aujourd’hui oubliées, mais qui à l’époque font fureur et lui assurent de confortables revenus.
Il sera directeur du Théâtre des Variétés de 1836 à 1839.
Il épouse une actrice de ce même théâtre, Caroline Olivier (1817-1893), qui lui donne quatre filles dénommées Geneviève, Berthe, Lucie et Marie.
Il fallut tout le poids et toute la gloire personnelle considérable de notre vénérable ancêtre pour faire avaler ce mariage dont ma grand-mère maternelle Madeleine Fort nous renvoyait encore les échos interloqués.
Bref, Philippe-François Pinel Dumanoir, cultivé, de belle allure, distingué, bon père de famille, officier de la Légion d’Honneur, a pris rang d’homme de lettres. Il est le traducteur inattendu de « La case de l’oncle Tom » de Harriett Beecher-Stowe, ce qui , outre une solide connaissance de l’anglais, suppose un regard neuf sur l’héritage moral d’un fils de planteur. En 1853 il créa une pièce adaptation de ce roman au théâtre de l’Ambigu.
C’est un homme considérable, le grand Dictionnaire Larousse de 1875 lui consacre une page presque complète !
Si son œuvre est aujourd’hui assez empoussiérée, il elle représente pourtant bien le milieu parisien du théâtre de boulevard si caractéristique du XIXème siècle, de 1830 environ jusqu’à la fin du Second Empire.
Faute d’héritier mâle, le nom de PINEL DUMANOIR s’éteint avec le mariage des 4 filles.
L’une des filles, Geneviève (1853-1941) est mon arrière-grand-mère.
Guilhelmine Pinel Dumanoir (1815-1849)
Soeur de Philippe-François, épouse Jean-Rémi Terrail (1795-1878) natif du Gers, à Basse-Terre en Guadeloupe. Maire de Basse-Terre. Légion d’Honneur en 1843. Au moins deux enfants : Lucie (1836), qui épousera Aymeric Delpech, et Ferdinand (1844). Il revient plus tard en métropole.
Cécile Léonie Joséphine Pinel Dumanoir (†1899)
Sœur de Guilhelmine.
Geneviève Pinel Dumanoir (1853-1941)
Epouse et veuve d’Henry FORT.
Dotée d’une santé de fer car elle n’a jamais paru souffrir de quoi que ce soit, ni consulté
aucun médecin tout au long de ses 88 années.
* Le document de référence est le titre de noblesse délivré par le Bureau des Titres sous l’Ancien Régime, signé du roi. L’original est confié à Jean-François Delpech.